Pour une mutation de la science au service du développement
Intégrer la connaissance scientifique, une tâche toujours délicate
Toute l’efficacité de Grounded Changes repose sur le caractère « interne » des diagnostics et des solutions qui émergent. Il n’est du coup pas évident du tout d’introduire dans cette dynamique des points de vue « externes » (tel qu’une connaissance scientifique) sans affecter tout le processus.
- « Externe » signifie ici un « savoir », un « diagnostic » (tous considérés, dans cette approche qui respecte chaque position, comme un « point de vue ») qui n’est pas celui d’au moins l’un des joueurs.
Bien sûr, introduire ce type de connaissance « externe » peut être résolu en introduisant un nouveau joueur portant cette connaissance (cf. règles du jeu TerriStories). Cependant, les scientifiques sont souvent réticents à traduire leur connaissance en de simples règles qualitatives (du jeu), car cette forme de synthèse n’est pas usuelle dans leur pratique. Quelques progrès ont été faits (voir par exemple l’approche Companion Modelling), mais la réticence est encore forte. De plus, au-delà de cette difficulté méthodologique, certains acteurs-clés (en particulier les scientifiques et les décideurs) ont toujours du mal à considérer leur « objectivité » et « universalité » seulement comme un point de vue parmi une diversité d’autres cadres pertinents de savoirs et de valeurs. Des progrès sont encore nécessaires.
Interview de J. Bourgoin

Relativisme ? Non, mais remplacer vrai par réfutable
Reconnaître la valeur de l’expérience, du savoir et même du point de vue (sur les valeurs communes, le future désirable…) de chacun ne signifie aucunement valider des jugements erronés. Au contraire, valoriser la diversité signifie ici d’amener chaque opinion à s’exprimer sous une forme logique et structurée, donc pouvant être sereinement débattue …ce qui se fait tout simplement, en amenant les participants à introduire sous cette forme, via le jeu, leur opinion : en effet, une règle de jeu doit pouvoir être exprimée sous une forme dont les autres joueurs sont capables de valider la logique, même s’ils n’ont pas le même point de vue.
Par conséquent, le simple processus de transformation en règles de jeu donne l’opportunité de mettre de façon égalitaire mais rigoureuse diverses opinions et connaissances, tout en excluant celles qui ne sont pas suffisamment argumentées… qu’ils soient le fait d’acteurs locaux, de scientifiques ou de décideurs…La rigueur scientifique plutôt que la vérité des scientifiques.
Une science « après » le développement ?
Lancer efficacement une dynamique locale autonome signifie d’abord de ne pas insérer de connaissance scientifique « externe » tant que les participants ne la sollicite pas, au cours de leur processus continu de diagnostic autonome. Mais cela implique aussi de ne pas identifier de programme précis d’appui scientifique avant que le besoin n’en soit identifié… par les participants.
Au cours de l’accompagnement Grounded Changes (sessions de jeu puis mises en œuvre autonome de leurs résolutions), progressivement les participants façonnent, testent, approfondissent leurs idées, et améliorent leurs actions. À certaines des étapes de ce processus, ils vont ressentir un manque de connaissance : soit cette connaissance est déjà disponible et peut être fournie, soit ce n’est pas le cas et de nouveaux programmes scientifiques qui sont pertinents localement peuvent ainsi être lancés.
En terme de Recherche pour le Développement, cela signifierait de débuter tout programme d’abord par l’installation d’une dynamique locale autonome avant toute définition de programme de recherche, et donc d’accepter de reporter cette définition précise après le début du projet… Difficile à insérer dans les cadres habituels de programmation de la recherche, mais, pourtant, la seule façon pertinente de développer une recherche pour le développement.
Comment positionner la recherche au sein d’un processus de développement ?

Vers un langage commun entre une diversité de points de vue ?
Le but ultime de TerriStories est de parvenir à terme à fournir des éléments de communication assez génériques pour permettre à tout un chacun, quelle que soit sa culture, sa façon de penser et ses aspirations, d’exprimer ses visions raisonnées du monde et de comprendre et reconnaître celles des autres.
L’outil de dialogue idéal est celui qui rassemblera les différentes formes d’expression des savoirs et des points de vue de par le monde et sur le monde : expression orale sous toutes ses formes, expression corporelle et visuelle (couleurs, formes), et la structuration logique de l’expression scientifique… autrement dit, un jeu.
…Amener des joueurs de diverses régions du monde à partager et renforcer leurs positions, sur la façon dont le monde devrait marcher.
